CINQUANTE MINUTES QUATRE SECONDES
- jemesouviensdetout

- 17 août 2019
- 4 min de lecture

Futur Thriller en voie d'accession.
" Je pense avoir voulu réaliser le rêve de ma mère, de ma grand-mère, de la tante Hortense, de la cousine Hedwidge, que sais-je encore. Celui de mon père, le cauchemar dont il faut s’éveiller, l’interdiction, le dictat patriarcal , du « Tu ne t’élèveras point ! »
Mon ami Gérard Martel me regarda, sans conviction, il était persuadé que je ne comprenais plus rien à son existence, surtout concernant ses multiples essais de couples. Ce qu'il me dit ce jour là me secoua jusqu'aux tréfonds de mon être, il m'obligeait à voir au devant d'un soleil ardent dont l'aveuglement remplaçait la cécité.
- Il me reste ce goût amer de gâchis en fonds de poches, me dit-il froidement. Puis cet impérialisme familial derrière tout cela, bien trop puissant. D’un côté le mien, rien, de l’autre, trop, partout. Tous les deux pris dans un vortex affectif relié à ces touts et riens. Mais qui des deux côtés de la lèvre cicatricielle, laissaient un gouffre béant.
Je dois être parti bien trop tôt de la maison à me débrouiller seul avec ma première copine. Comique. Comme avec une grande soeur, je dirais. Déjà dans la confusion des images. Cela nous rend à tout jamais des fouteurs de vie en solitaire.
Je pense avoir voulu réaliser le rêve de ma mère, de ma grand-mère, de la tante Hortense, de la cousine Hedwidge, que sais-je encore. Celui de mon père, le cauchemar dont il faut s’éveiller, l’interdiction, le dictat patriarcal , du « Tu ne t’élèveras point ! » Puis cet assassinat en faisant exploser le Dictateur, ce voluptueux assouvissement personnel et jouissif, dans l’action du refus, du " non tu m’emmerdes, je serai ce que tu ne voudrais pas que je soie, que j’écrive, que je contemple, que j’aille vers ce qui semble bon et essentiel pour moi et surtout me plaise, me séduise, oui, me séduise d'abord et avant tout.
Et jusqu'où irai-Je ?
Je reste intimement -surtout enfin avec moi-même-, persuadé que l’étau familial est ennemi complet de l’expansion du soi, quand il germe dans la frustration, et qu'il impose : "le Voudrait qu’on fasse ce qu’eux ne purent accomplir et qui forcément doit être du même goût des descendants".
Mais ça ne marche pas ainsi. Ce qui ne fut pas, ce qui rata, ne peut en aucun cas devenir le "Ce qu’il faudrait frustrés des ayants droits" Et surtout en qui et quoi !
Alors on peut remonter très loin en suivant l’autoroute fondamentale du bienfondé, avec l’enclume d'un contrepoids raclant le dos et abrasant l’ossature. Tout est dans l’impossibilité totale de sortir de la Matrice. Ça rappelle vaguement quelque chose. Victime du rien gardé, du vacum, contre victime du surencombrement loyal etsilencieux, " d’haltères Égaux " et obésités affectives, rivant la vie en stase foetale.
J'aurais tout tenté sur le même fronton. Je suis en période de délestage, besoin de temps, d’espace, de temps libres surtout. Ne plus m’agiter, être dans la nature entouré de rives ou courbes féminines, des paysages doux et tempérés, brumeux, sans violence, avec que des cieux couverts et du silence partout.
Comme dit Milan Kundera: " L’oisiveté c’est la fenêtre de Dieu. " J’essaie de l’ouvrir. De provoquer des courants d'air entre ces claustrations mortifères !
Tout ce que je sais, c’est que malgré tous les contraires s’entrechoquant dans l’éprouvette, j'aimerai toujours. Je n’ai plus envie du tout de rencontrer qui que ce soit, de recommencer tout ce cirque, puis le reste, les démembrements du chapiteau, les rugissements de la dynastie, la domestication de toute cette ménagerie.
Je suis fatigué et je dois m'aguerrir. Voici ce qu'il faut lui lancer en pleine face: " Je n’ai pas aimé vous quitter ce soir, ou ce jour, et cette famille elle vous a tout le reste du temps rogner la vie, à tordre vos envies. Les cygnes ne sont pas des autruches ."
Cela fait bien trop longtemps que j’ai quitté la maison. Volontairement.
Et ces dimanches de promenades, de : " ces dire bonjour, de retrouver, visiter, pouponner et s'extasier sur un bébé rougeâtre bourré de renvois lactés, ça me déprime profondément.
On en revient visqueux, ensommeillé, las et neurasthénique. Comme un dimanche soir de novembre, ou un premier jour pluvieux de rentrée scolaire.
En fait l’amour n’existe pas, ce n’est que de la possession, une prise d'otage avec le terrassement sourd de toute une belle-famille à devoir caser sous le parapet. On ne peut jamais rencontrer un ballon libre. Vous devrez fatalement vous taper toute la nacelle des requérants.
L'amour est un absolu, il ne doit pas être contraint à deux.
Le couple c'est une perdition à deux, dont le surpoids est une bouée à la taille, un goitre au ventre.
Et l’on confond tous ces reproches dans les mots qu'on jette à la figure de son partenaire et on lui dit ce que l’on aurait depuis longtemps dû verbalement gifler l’arbre généalogique, afin qu’il perde une fois pour toutes ses maudites feuilles, que s’élaguent ses branches, pour que du tronc, comme aux framboisiers, puissent renaître la verdeur, les fruits de nos goûts, et saveurs particulières, surtout avec le miracle aboutissant en pleine maturité.
Mais cela, seuls quelques privilégiés y parviennent.
Tout ceci est d'une lucidité implacable, laissant peu de survivance aux doutes de l'existence.
Et l'on se retrouve vite bredouille et débauché, après avoir longuement compris que rien ne pouvait être d'autres, face à la lutte impitoyable de la Volonté à devoir Être, et ce par tous les moyens mis à dispositions de l'homme, mais dont le prix est de le rendre le plus inconfortable possible au long de la quête, et sans aucune certitude d'atteindre le but escompté.
Les pièces du temple seront vides, et vindicatives les foules amassées dans la rue.
Il y a beaucoup d'épelés, mais peu de lus.
Et vous, vous allez crever de désamour sous la carlingue familiale, à suivre une carrière exponentielle vous menant toujours plus haut, dans la solitude infinie d'une hémorragie cardiaque en bout de bip, face à la réussite socio-culturelle, les ordres de ceux qui ont bâti et vous ordonnent de reprendre la truelle en main. Tu as compris François, pourquoi je vogue encore autant ? Alors, qu'en penses-tu ? Réponds-moi ! Crois-tu que j'aie tort ? Sois franc, pour une fois !
© Luciano Cavallini cinquante minutes quatre secondes, août 2019 LC
Commentaires