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Exercices de stèles Extraits Léon Walras - Économiste

Dernière mise à jour : 24 févr. 2021


Léon Walras, économiste.

- Je me présente, Léon Walras, économiste. Non, non, non ! Pas de présomption d’ennuis et de fuite subite, je vous en supplie ! Réfrénez vos ardeurs et laissez-moi vous entretenir. S’il vous plaît, je suis seul depuis si longtemps... Même si vous n’entendez pas le moindre mot de ce que je vous dis, faites semblant, opinez du chef et je serai ravi. Vous aurez peut-être perdu votre temps, et moi j’aurais meublé le mien. Cela risque d’être du grand meublé, me fis-je en aparté. - Qu’avez-vous donc de si important à me dire, qui monopolise une allée en stationnement ? Croyez-vous que l’endroit où vous êtes, se prête à propos des chiffres et d'économie ? Écoutez, avant toute chose, il faut que je vous avoue quand même… La simple vue d’un chiffre me donne la courante, et ce, depuis gamin. Aussi, je cours encore et toujours plus vite, dès que je vois au loin une horloge ou un cahier les contenant, ces maudits signes abscons ! C’est épidermique et d'ailleurs je souffre d’acalculie chronique, je ne m’amuse même pas d'essayer de compter de tête, c’est vraiment le genre d’effort qui me répugne d’accomplir. Ça, entre autres, avec les jeux de société. Et je maudis les scolarités et leur système bolchevique d’imposer des branches dont les fruits son indigestes. Au lieu de glisser vers les inclinations profondes et innées qui sont en chacun de nous et de les encourager, non, il faut qu’ils nous polluent l’air ambiant et l’esprit avec leur saleté d’arithmétique ! Qu’on laisse cela à ceux qui sont enclins à grisailler sur leurs problèmes et fermenter sous leurs sarraus de petits écoliers modèles ! C’est vrai à la fin ! L’instant mortel sert aussi à régler nos comptes avec ces éteignoirs de concupiscence ! - Ah ! Vous voyez ? Comptes à régler ! - Non. Pas du tout ! Vous n’y êtes vraiment pas. Juste conflits d’intérêts non résolus. Walras s’emportait. C’était l’homme de tête. Concis, précis, toujours à l’heure. Une sommité. Il avait reçu un grand coup de main de l’avocat Louis Ruchonnet, désireux de promouvoir l’université de Lausanne où il fit entrer par la porte Royale, l’économiste alors titulaire d’un simple bac. Par la suite, il poursuivit son élan caritatif, en l’aidant à diffuser massivement son œuvre. Il avait déjà essuyé un cuisant échec en tant que romancier, car cet homme à l’intelligence redoutable fut rattrapé par un fort penchant littéraire. Cependant, malgré une indéniable, voire impeccable qualité d’écriture son « Francis sauveur » ne parvint qu’à lasser le public, ce dernier bien trop habitué aux historiettes faciles en tous genres, avec un dénouement rapides des intrigues. « La revue des deux mondes » si chère à Sainte-Beuve et Musset, ne pris même pas le risque de l’éditer. On y préférait à cela les commérages d’amants éconduits et autres étals à guimauve. - Je ne vois vraiment pas en quoi je puis vous être utile, attaquais-je de suite en frontal. Pour moi, l’économie est une science sommaire qui ne sert qu’à escroquer les petits et moyens salaires, au profit de nantis véreux et autres promoteurs destructeurs du tissu sociétal et des patrimoines. Toute cette racaille ne vaut guère plus que cela et l’on ne me fera jamais croire que le citoyen se trouve gagnant, et encore moins que l’on gagne sa vie en travaillant. On ne la gagne pas, Monsieur Walras, on la vilipende en prostitution autorisée, en faveur d’un patronat s’enrichissant sur le dos exsangue de ses employés. Je ne vois aucune utilité de se lever tous les matins à pas d’heure, afin de satisfaire une entreprise spécialisée dans le vampirisme et la destruction massive de la pensée humaine. Il faudrait logiquement être satisfait de cet état de fait, et en plus, comble d'absurdité, remercier les esclavagistes de nous donner du pain à chaque fin de mois ? Non, mais laissez-moi rire ! De qui se moque-t-on? Gagner sa vie ce n’est pas cela et c’est encore moins un jeu qui ferait que le hasard nous permit de la vaincre ! Je ne suis pas spécialisé comme vous, mais tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a une sacrée différence entre la gagner, cette vie, comme on nous le fourre en pleine tête depuis la prime jeunesse, et « fabriquer de l’argent. » Ceux qui tiennent le fouet font tourner les planches à billets, mais quel baudet s’arrime aux manivelles ? Que nous dit-on depuis l’enfance, que nous force-t-on à réaliser, d’abord dans l’expectative de plaire aux parents, puis de satisfaire les enseignants, puis d’engrosser les patrons, hein, que nous dit-on, quelles litanies ne cessons nous pas d’entendre limer par la meule des autorités ? Qu’il faut vite se développer et acquérir des compétences permettant uniquement, oui uniquement, entendez-vous, de nourrir l’ ogresque économie jusqu’à plus faim. Et de ce carrousel infernal, vous nous demanderiez d’être satisfaits ! De ces injonctions parentales et scolaires, il faudrait s’y résigner, et piétiner dans ce chemin grisâtre, tout imprégné par la glu du conformisme ? Au détriment de ses propres valeurs et passions, en refoulant son être profond au profit d’un avoir ennuyeux, inintéressant, crapuleux, frauduleux, qui, de manière précoce, tue l’enfance et banni le développement d’un individu ? Non, je ne vendrai rien de tout cela à la Bête assoiffée, je ne passerai aucune seconde à prévoir le plaisir d’autrui au détriment de mes propres convictions et la sacralité de mes sentiments envers la vie. Oubliez tout cela Monsieur Walras, le pouvoir est dans le désintérêt total de ce qui plaît à la multitude, le pouvoir c'est d’en être détaché et d’enfin crier à la face de ces vils personnages : « Voyez donc, j’ai la force de renoncement ainsi que celui du désintérêt matériel total face aux enclumes de ce monde que vous traînez à votre insu et que vous voudriez voir à votre tour attachées à nos pas. » C’est cela le pouvoir Monsieur, celui de refuser ces tyrannies, consacrées et présentées comme l'édulcorant d'une réussite uniquement matérielle ! Des échafaudages tout ça, avec au devant le vide, et à l’arrière du carton pâte ne tenant pas debout. - Eh bien… Je vois qu’avec de telles théories, aussi arrêtées soient-elles, nous allons devoir stationner longtemps à cet endroit, comme vous le disiez si bien ! Enfin… Mieux vaut ça qu’être tout le temps livré à soi-même !

- Tel Harpagon avec sa chère cassette. Cependant, à votre décharge, on dit aussi Monsieur Walras, et vous n’êtes certainement pas sans l’ignorer, qu’il vaut mieux être seul que…

- … Foutaise que tout cela ! Encore une de vos maximes figeant l’existence de la pensée à peine éclose.

- Pour autant qu'elle exista d'abord en semences.

- Qu’importe qu’elle fut ou qu’elle ne fut pas, c’est ce qu’on en retire sur l’instant qui importe. Votre vue quelque peu manichéenne, ne reflète absolument pas la vérité. Bien au contraire, elle l’esquive ! Elle veut voir ce qu’elle veut bien voir et ce qu’elle décide qu’elle verra ! Et ce serait être buté que de continuer sur ces traverses. - Des traverses, maintenant ? Sommes-nous suspendus au-dessus du vide ? - Je n’aime pas le mot chemin. Je préfère les ponts et les traverses, qui nous mènent d’un côté et nous font passer plus avant. Je les préférerais pentues, d’ailleurs s’il était possible qu’il s’en trouva une ainsi. - Vous savez, Monsieur Walras, repris-je quelque peu irrité, je ne vois pas ce que vous pouvez apporter de plus à mon existence, en essayant de me convaincre aux chiffres. Comme disait le père Hugo, nous y étions suffisamment crucifiés dans ces affreuses écoles communales, bornées et borgnes comme leurs foutus tableaux noirs. - Il y a différentes sortes d’économies comme il y a différentes « écoles » , et vous les mettez toutes dans le même panier. Un exemple pour vous séduire ? Oui ?

Contre mauvaise « fortune » bon cœur, je voulus bien aquiescer à sa requête.

(... à suivre. )



Sépulture de Léon Walras, cimetière de Clarens-Vaud- Suisse Romande.



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