top of page

EXERCICES DE STÈLES ( Kokoschka,Nabokov, François de Ribaupierre. ) Extrait


Oskar Kokoschka

À Jenny B.

Les anges peints sur les murs, planaient tel l’albatros entre les ondes de méthylène, se rapprochant de la Divine, se retrouvant soudainement couronnées d’êtres célestes. Ils y avaient ceux du bas, Nabokov et Kokoschka, et Monsieur François de Ribaupierre, suspendu au sommet du galandage, avec les Séraphins et Divine, pouvant à loisir aussi, observer la croix striant ses branches horizontales sur deux mondes entrebâillés.


Vitraux du temple de Clarens

Divine accompagnait l’homme vers les contrées célestes, elle l’élevait, elle avait cette puissance qu’ont les femmes passant divers seuils pour amener les élus vers les pâturages du Père. Blancheur de visage intense en lequel se fondait le faciès de Monsieur de Ribaupierre.


Je me retrouvais à mi-hauteur, ne sachant quoi que ce soit, invisible aux yeux de tous bien que la lumière s’intensifiait sans pour autant que les autres protagonistes ne s’en inquiétèrent. Il y avait, tout au fond, près du puis d’aération, la face terreuse de Kokoschka, et accoudé sur l’établi, la volonté défaite de Nabokov, voyant Divine en fin d’ascension, devenue inatteignable, ainsi que Monsieur de Ribaupierre hors de portée.


Sépulture de Clarens, Nabokov


 - Messieurs, nous recevons tous la grâce Divine par la clarté des vitraux ou voire plus, par leur illumination. Nous pouvons soit être brûlé vif, soit être ravi. Le vertige est l’attribut des rampants, le vol, des êtres ailés donnant à la plume la sustentation, ainsi que le bec permettant de retransmettre les enseignements. Par mon labeur, durant toutes ces années, en ce temple de Clarens, je crois avoir enfin atteint le but que je m’étais fixé depuis longtemps, c’est-à-dire ne faire plus qu’un avec le ciel dépeint du Père et de ses anges, alors que je perdais la vue à fixer ces lames de verre.


Je crois donc qu’il est temps de vous dire adieu. Ces murs ne me retiennent plus et je me fonds dans le verre amorphe, qui s’écoule depuis la source.


Lorsque j’étais enfant, vers quatre ans, je crois, je rêvais que je m’élevais entre les vitraux bleu du temple de Clarens. Je les voyais devant moi, défiler vers le bas à toute allure, alors que je montais vertigineusement toujours plus haut, tout en ayant et c’est stupide, peur de me cogner la tête au chapiteau.


J’ai toujours recherché la légèreté, la désincarnation, je n’aimais pas le goût de la chair, ni le cadavre des viandes. Tout ce qui alourdit et appesantit m’exècre. Je suis maintenant là, vers ce visage radieux et proche du Père, sans plus de crainte désormais, de ne pouvoir hisser la

tête plus haut que ces degrés de pierre.

Oskar Kokoschka : " La fiancée du vent "


Je vous remercie pour votre précieuse aide et notre belle rencontre. Monsieur Kokoschka, faites donc de votre Alma Malher autre chose qu’une chiffonnée faisant le siège dans votre salon. Pensez à la sublimation dont nous avons parlé. Et vous, Monsieur Nabokov, je sais que votre nymphette ne fut qu’un songe passager, fuyant des territoires inexistants et dépeint sur la trame de l’illusoire.



Hermine Moos, la poupée de Kokoschka

Jouvence est une fontaine de clarté et non pas d’ondes aqueuses. Pensez-y donc.

Puissent-ils, les vivants d’ici-bas, lorsqu’ils pénètrent dans ce sanctuaire, ressentir ce que les anges murmurent, taire leur vacarme assourdissant, puissent-ils ressentir les frémissements azur de tous ces vitraux renfermant les cieux du Père. Tel un grand verre saturé d’opacités

qu’il faut percer des lèvres pour étancher toute soif.


François de Ribaupierre

 Il y eut soudainement un grand brasier incendiant de part en part les hauts vitraux, justes au centre de la Divine et du visage épanché de François de Ribaupierre. Les encres s’écoulèrent de toutes parts et cette fois-ci, il n’y eut pas un espace qui n’en soit inondé sans que nous en fussions tous extasiés.


Seule une croisée plombée démarquait encore les ondées Divines du lourd dallage terrestre.



Alma Malher, Muse de Klimt et Kokoschka

Le blanc visage de la Divine semblait sourire, tandis que petit à petit, au centre de ces béatitudes, le personnage de François de Ribaupierre fut absorbé par les pigments et dissout dans la lumière.


Il ne restait que Kokoschka et Nabokov, en fond d’aquarium, enlisé sur le limon terrestre d’anciens vivants, dont les sédiments se dissolvaient au fur à mesure du temps qui s’écoulait.


Comprendraient-ils un jour, qu’il ne fallait plus traîner en ces contrées, ni avoir peur de perdre les amarres d’amours qui ne peuvent être sereins, si ceux-ci demeuraient douloureux ?

Sépulture de Kokoschka, cimetière de Clarens


31 vues0 commentaire
bottom of page